Le vertige positionnel paroxystique bénin (VPPB) : explications pour le patient
Le VPPB est un vertige rotatoire vrai (sensation que tout tourne) qui survient de façon très brève lors de certains mouvements de la tête (par exemple en se tournant dans son lit, en levant la tête ou en se penchant) . C’est la cause la plus fréquente de vertige chez l’adulte . Les épisodes sont brefs (quelques secondes à une minute environ) et souvent accompagnés de nausées ou de vomissements, mais ils ne provoquent pas de surdité ni d’acouphènes . Chaque épisode disparaît généralement si on reste immobile, mais de nouveaux épisodes peuvent revenir en fonction des mouvements de tête. Le VPPB n’est pas dangereux (d’où « bénin ») et des techniques simples peuvent le faire disparaître.
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Anatomie de l’oreille interne et équilibre
Pour comprendre le VPPB, rappelons l’anatomie de l’oreille interne. Celle-ci contient le système vestibulaire qui gère l’équilibre. Ce système comprend deux capteurs linéaires (l’utricule et le saccule, sensibles à la gravité) et trois canaux semi-circulaires remplis de liquide . Ces trois canaux sont orientés selon les trois plans de l’espace (horizontal, antérieur/supérieur et postérieur) et il y en a trois de chaque côté de la tête, soit six en tout. Dans chaque canal, un segment dilaté (l’ampoule) contient une cupule gélatineuse surmontée de cellules ciliées (« poils » sensoriels). Lorsque la tête bouge, le liquide (endolymphe) se déplace par inertie et fait plier la cupule, ce qui active les cellules ciliées. Cela envoie alors au cerveau un signal sur le mouvement ou la position de la tête . Ces trois canaux détectent donc respectivement les rotations dans les trois dimensions : un canal horizontale (latéral) capte les mouvements de rotation horizontaux (dans le plan du sol), et les deux canaux antérieur/postérieur réagissent aux rotations verticales ou en avant/en arrière .
Physiopathologie du VPPB
Le VPPB survient quand de petits cristaux de carbonate de calcium (appelés otoconies, présents normalement dans l’utricule) se détachent et tombent dans l’un des canaux semi-circulaires . Ces particules « flottantes » pénètrent le canal et peuvent soit rester libres dans l’endolymphe (canalolithiasis), soit s’accrocher temporairement à la cupule (cupulolithiasis) . Dans les deux cas, lorsque la tête change de position, ces débris déplacent le liquide ou alourdissent la cupule, ce qui provoque une déflexion exagérée de la cupule. Autrement dit, le canal envoie un faux signal de mouvement au cerveau, comme si la tête tournait alors qu’elle est parfois immobile . Ce « bug » sensoriel crée la sensation brutale de vertige rotatoire. Par exemple, si des otoconies tombent dans le canal postérieur (le plus courant, ~90 % des cas), le moindre mouvement de la tête (se coucher, se relever ou se tourner) va déclencher un vertige vif .
Canaux concernés et diagnostic
Parce qu’il y a six canaux (trois par oreille), il est souvent impossible pour un patient seul de savoir quel canal est atteint. L’identification précise du canal impliqué requiert des tests cliniques spécifiques réalisés par un professionnel formé . Lors d’un examen, on interroge le patient sur les circonstances et on réalise par exemple la manœuvre de Dix–Hallpike (tester les canaux postérieurs) ou le test de roulis couché (supine roll test, pour les canaux horizontaux). Ces tests font tourner rapidement la tête du patient pour déplacer les cristaux du canal et provoquent un vertige accompagné d’un nystagmus (mouvements involontaires des yeux). La direction et le type de nystagmus (horizontal ou torsionnel, rapide à gauche ou droite) indiquent exactement quel canal est en cause . Par exemple, un nystagmus torsionnel vertical dans le test de Dix–Hallpike confirme un VPPB du canal postérieur du côté testé . Ces observations sont subtiles et nécessitent une formation en exploration vestibulaire. Sans cette expertise, on risque de mal identifier le canal, ce qui retarderait le traitement adapté .
Les symptômes typiques d’un VPPB sont :
• Vrai vertige rotatoire bref, ressenti souvent dès le début du mouvement (ex. en se retournant dans son lit) . Le vertige dure quelques secondes à une minute puis cesse tout seul.
• Déclenchement par un mouvement précis : se lever, se coucher, regarder en haut ou se pencher peut suffire à provoquer le vertige . En général, une fois le mouvement arrêté, le vertige disparaît progressivement.
• Naussées/vomissements parfois associés aux épisodes de vertige.
• Pas d’atteinte auditive ou neurologique (pas de baisse d’audition, pas de problème de coordination ni de faiblesse musculaire) .
Ces éléments permettent au médecin de confirmer cliniquement le diagnostic de VPPB sans examens complémentaires, sauf s’il y a des doutes (signes alarmants) .
Traitement : manœuvres spécifiques à chaque canal
Le traitement du VPPB est mécanique et dépend du canal incriminé . L’objectif est de repositionner les cristaux dans l’utricule où ils ne gênent plus les capteurs. Pour chaque canal existe une manœuvre adaptée :
• Canal postérieur (le plus fréquent) : on utilise généralement la manœuvre de repositionnement d’Epley, ou la manœuvre libératrice de Sémont . Ces mouvements très codifiés visent à faire circuler les cristaux hors du canal postérieur.
• Canal horizontal (latéral) : on applique la manœuvre de Lempert (appelée aussi « barbecue roll ») ou la manœuvre de Gufoni . Ces manœuvres font tourner la tête du patient successivement d’un côté puis de l’autre pour faire sortir les cristaux du canal horizontal.
• Canal antérieur (supérieur) : cette forme est plus rare (~1 % des VPPB) et il n’existe pas de consensus clair sur la meilleure manœuvre . Le kinésithérapeute adaptera le traitement au cas par cas si nécessaire.
Ces manœuvres sont généralement efficaces dès la première séance : on observe une disparition des symptômes dans 80 % des cas après une seule session de rééducation vestibulaire , et presque tous les cas s’améliorent en quelques séances (en général moins de cinq). Si un premier essai ne suffit pas, on peut répéter plusieurs fois la même manœuvre lors de la même consultation, en vérifiant à chaque fois que le nystagmus disparaît .
Rôle du kinésithérapeute vestibulaire
Le kinésithérapeute spécialisé en vertiges (rééducation vestibulaire) joue un rôle clé dans la prise en charge du VPPB. Il réalise d’abord un bilan-diagnostic kinésithérapique : il constate le vertige en effectuant les tests (Dix–Hallpike, roll test) et repère le canal atteint par l’examen du nystagmus . Il évalue aussi l’impact fonctionnel (équilibre debout, risque de chute, anxiété éventuelle). Ensuite, il met en place le plan de traitement par la réalisation des manœuvres thérapeutiques adaptées au canal détecté .
Les kinésithérapeutes vestubulaires sont formés (DIU vertiges, formations SFFRV, etc.) pour pratiquer ces tests et manœuvres. Ils orientent également vers un ORL spécialisé si nécessaire (par exemple en cas de signes graves, de doute diagnostique ou de traitement incomplet). En bref, le kiné vestibulaire identifie le canal concerné et applique la ou les manœuvres libératoires adaptées . Son intervention est très efficace : elle permet de faire cesser rapidement le vertige et de restituer un sens de l’équilibre normal chez la plupart des patients.
Démystification et idées reçues
Plusieurs idées reçues circulent sur le VPPB. Par exemple, certains pensent qu’« il partira tout seul », ou qu’on peut tout simplement attendre que le vertige se calme sans rien faire. En réalité, il est vrai que les symptômes de VPPB peuvent s’améliorer spontanément d’eux-mêmes en quelques jours ou semaines (jusqu’à 30 % en moins d’une semaine selon la HAS) . Toutefois, cela peut prendre du temps et laisser le patient souffrir inutilement. De plus, le VPPB est récidivant : même s’il part, il peut revenir dans les semaines ou mois qui suivent .
Il vaut donc mieux traiter le vertige rapidement par les manœuvres adaptées. Aucun médicament (comme la bétahistine) n’a montré d’efficacité contre le VPPB . La chirurgie n’a aucun rôle ici. L’apport d’un kiné vestibulaire permet au contraire un soulagement rapide et durable : la littérature rapportant près de 80 % de réussite en une séance . En outre, soulager le vertige prévient les chutes et les traumatismes liés à un déséquilibre, ce qui est particulièrement important chez les personnes âgées.
En résumé, le VPPB est bénin et se traite très bien quand on sait identifier le canal fautif. Même si le vertige peut éventuellement céder tout seul, il est préférable de consulter un professionnel formé pour être soulagé plus vite et en toute sécurité. Un suivi kiné spécialisé permet de lever rapidement les cristaux gênants par des manœuvres simples, pour retrouver un équilibre normal sans médicament inutile .
A lire aussi : Après une manœuvre pour VPPB : que faire ?
Sources
• Manuels MSD – Vertige positionnel paroxystique bénin (site grand public) .
• HAS (Haute Autorité de Santé) – Recommandations VPPB : manœuvres diagnostiques et thérapeutiques (2018) .
• HUG (Genève) – Le vertige paroxystique positionnel bénin (brochure patient) .
• Service d’ORL du CHU de Liège – Le VPPB se soigne par la kiné vestibulaire (article grand public, 2020) .
• Vestibular Rehab. (en ligne) – Informations sur le VPPB et la rééducation.
• (Illustrations pédagogiques suggérées : schéma de l’oreille interne, diagramme des canaux semi-circulaires, images des manœuvres de repositionnement, etc.)
Loïc Taureau, kinésithérapeute vestibulaire, spécialiste des vertiges et troubles de l’équilibre – Saint-Prest (Chartres agglo)