Le vertige est une illusion de mouvement (souvent une sensation de rotation) qui survient spontanément ou lors des mouvements de tête. C’est un symptôme très fréquent (une personne sur sept en aura au moins une fois) . Dans la majorité des cas, il trouve son origine dans l’oreille interne et n’est pas grave. Environ 80 % des vertiges sont dits périphériques (liés à l’appareil vestibulaire de l’oreille interne) et seulement 20 % centraux (liés au cerveau) . La cause la plus courante de vertige bénin est le VPPB (vertige positionnel paroxystique bénin) , dû au déplacement de cristaux dans l’oreille interne. Par contre, un vertige central peut être le signe d’une pathologie grave (AVC du tronc cérébral ou du cervelet, sclérose en plaques, tumeur, migraine vestibulaire, etc.), nécessitant une prise en charge urgente. En pratique, on distingue le plus souvent :
- Vertige périphérique (oreille interne) : par exemple VPPB, labyrinthite ou maladie de Ménière. Il se traduit par un vertige rotatoire intense, souvent déclenché ou aggravé par certains mouvements de tête. On observe généralement un nystagmus horizontal unidirectionnel (mouvements saccadés des yeux) qui diminue quand on fixe un point . Des symptômes auditifs (acouphènes, baisse d’audition) peuvent accompagner le vertige . Ces causes sont très handicapantes sur le moment (nausées, vomissements) mais bénignes et traitables. Par exemple, les manœuvres de repositionnement (Epley, Sémont) soignent le VPPB.
- Vertige central (cerveau) : peut résulter d’un AVC du tronc cérébral ou du cervelet, d’une sclérose en plaques, d’une tumeur, d’une migraine vestibulaire, etc. Le vertige central s’accompagne souvent de signes neurologiques associés (troubles de la parole, vision double, perte de force ou de sensibilité dans un bras/jambe, troubles de l’équilibre très marqués, ataxie) . Le nystagmus est alors « atypique » (vertical, multidirectionnel, persistant malgré la fixation visuelle) . Le plus souvent aucun symptôme auditif n’est présent. Un AVC cérébelleux s’accompagne typiquement d’un vertige rotatoire grave, de céphalées soudaines (souvent à l’arrière du crâne) et de troubles de coordination (dysmétrie, instabilité) .
Signes d’alerte (à consulter en urgence)
Les symptômes suivants doivent faire consulter immédiatement un médecin ou appeler le 15/112 (urgence) :
- Troubles neurologiques : trouble de la parole (dysarthrie), troubles de la vision (vision floue, vision double), asymétrie faciale, faiblesse d’un bras ou d’une jambe, engourdissement, perte de sensibilité d’apparition brutale .
- Coordination et équilibre : grande instabilité ou ataxie marquée (difficulté à se tenir debout sans tomber), chute inexpliquée.
- Nystagmus atypique : mouvements oculaires rapides anormaux, notamment verticaux ou changeant de direction quand on regarde à gauche puis à droite (ce qui n’existe pas dans un vertige périphérique classique).
- Céphalées brutales : mal de tête très violent d’apparition soudaine (surtout en arrière de la tête) et/ou raideur de la nuque. Ces signes évoquent un problème vasculaire ou une atteinte cérébelleuse.
- Symptômes fébriles ou traumatisme récent : fièvre importante ou traumatisme crânien, qui peuvent compliquer le tableau.
- Vomissements incoercibles : nausées et vomissements extrêmement intenses, impossibilité de maintenir la tête droite. Bien que les vomissements accompagnent souvent les vertiges, leur intensité et persistance anormale imposent de vérifier une cause grave.
En présence de l’un de ces « drapeaux rouges », il faut doubler de vigilance : un AVC du tronc cérébral ou du cervelet peut se manifester isolément par un vertige rotatoire aigu, avec parfois peu d’autres signes initiaux . À l’inverse, si le vertige s’accompagne surtout d’un symptôme auditif (acouphène, surdité) ou est déclenché par un mouvement de tête (vécu classique du VPPB), il est plus probablement bénin.
Le test HINTS pour différencier AVC et névrite vestibulaire
Chez un patient présentant un vertige aigu isolé (rotatoire continu depuis plusieurs heures à jours), sans signe évident d’AVC, la batterie de tests HINTS est très utile. HINTS est l’acronyme de Head-Impulse, Nystagmus, Test of Skew . Concrètement, il s’agit de trois examens oculomoteurs rapides réalisés au lit du patient :
- Head Impulse Test (HIT) – on demande au patient de fixer un point tandis que l’on fait tourner rapidement sa tête. Dans un vertige périphérique, on voit des saccades correctrices de l’œil (reflet vestibulo-oculaire anormal). Si le HIT est anormal, c’est bon signe (périphérique), tandis qu’un HIT normal malgré le vertige aigu est inquiétant.
- Nystagmus – on observe les mouvements oculaires. Un nystagmus horizontal unidirectionnel qui s’atténue avec la fixation est typiquement périphérique. En revanche, un nystagmus vertical, rotatoire persistant ou qui change de direction avec le regard oriente vers une origine centrale.
- Cover Test (Skew) – on couvre alternativement un œil puis l’autre pour détecter un décalage vertical des yeux. Toute dévition oculaire verticale fait suspecter une lésion centrale.
L’intérêt du HINTS est confirmé : réalisé par un expert, il a une sensibilité proche de 100 % pour détecter un AVC du territoire postérieur chez un patient en vertige aigu . Autrement dit, il détecte presque tous les AVC, même mieux qu’une IRM réalisée très tôt . En pratique, ces tests doivent être faits par un professionnel formé (généralement un neurologue, kinésithérapeute vestibulaire ou un ORL expérimenté), car leur interprétation demande de l’expérience.
Qui consulter ? L’importance de l’expertise
La prise en charge du vertige en urgence nécessite une expertise spécialisée. Un médecin généraliste ou urgentiste formé pourra suspecter rapidement la bonne étiologie et orienter vers un spécialiste si besoin (ORL, neurologue ou kinésithérapeute vestibulaire expérimenté). En France, les sociétés savantes insistent sur la formation des soignants pour éviter les erreurs d’orientation . Par exemple, certains kinésithérapeutes et médecins doivent suivre une formation spécifique pour réaliser correctement les tests cliniques et les manœuvres thérapeutiques du VPPB . Cette expertise est d’autant plus importante que confondre un AVC avec une simple névrite vestibulaire peut retarder un traitement vital, alors que confondre un VPPB avec un trouble central peut exposer inutilement à des examens lourds.
Rassurez-vous : malgré la gravité d’un AVC potentiel, la grande majorité des vertiges n’est pas liée à un accident vasculaire. Les VPPB, labyrinthites et autres causes périphériques bénignes sont fréquentes et le plus souvent facilement traitées. Néanmoins, devant tout vertige inhabituel ou accompagné d’un ou plusieurs signes d’alerte, il vaut mieux consulter sans tarder plutôt que de s’interroger. Le bilan comprendra un examen clinique complet, éventuellement des tests neuro-otologiques (HINTS, vidéonystagmoscopie) et, si nécessaire, une imagerie cérébrale. Le message clé est donc : ne pas banaliser un vertige sans signes mais ne pas non plus céder à la panique. Mieux vaut vérifier et traiter à temps.
Loïc Taureau, kinésithérapeute vestibulaire – Saint-Prest / Chartres
Sources
- Recommandation de la SFORL sur la prise en charge des vertiges d’origine vestibulaire (Société Française d’ORL – 2023) .
- Société Bárány – Critères diagnostiques du VPPB (consensus 2015).
- StatPearls – Articles “Peripheral Vertigo” et “Vestibular Neuronitis” (NCBI Bookshelf).
- HUG – “Stratégie de prise en charge du vertige en 1re ligne” (Hôpitaux Universitaires de Genève, 2024) .
- Vestibular Disorders Association (Vestibular.org) – Fiches “Labyrinthitis” et “Vestibular Neuritis”.
- MSD Manuals – Page “Accident vasculaire cérébral (AVC)” (symptômes neurologiques).
- Medical News Today – Article “Which exercises can combat vertigo?” (résumé explicatif sur vertige central vs périphérique) .