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Névrite vestibulaire : après l’orage, reconstruire l’équilibre

Névrite vestibulaire : symptômes, prise en charge et rééducation par le kiné vestibulaire

Névrite vestibulaire : définition et symptômes


La névrite vestibulaire est une atteinte brusque et unilatérale du système vestibulaire périphérique . Elle provoque typiquement un vertige rotatoire intense et persistant (de plusieurs jours) accompagné de nausées, vomissements et déséquilibre . Les patients présentent souvent une instabilité marquée à la station debout et en marche. Lorsqu’on examine les yeux, on observe un nystagmus horizontal spontané battant du côté opposé à la lésion (vers l’oreille saine), qui disparaît dès que le regard fixe un point . Il n’y a pas d’atteinte auditive (pas de surdité) ni d’autre symptôme neurologique . La névrite vestibulaire est la deuxième cause la plus fréquente de vertige d’origine périphérique, après le vertige positionnel bénin. Elle survient généralement chez l’adulte (souvent entre 30 et 60 ans) sans distinction notable homme/femme.

  • Symptômes typiques : vertige rotatoire soudain et prolongé , nausées/vomissements, instabilité posturale (chancellements, déviation du corps côté lésion ), nystagmus horizontal spontané vers l’oreille saine (inhibé par la fixation visuelle) .
  • Pas de surdité ni de signes neurologiques centraux associés .


Causes probables : L’étiologie exacte reste indéterminée, mais une origine virale est la plus souvent avancée . Par exemple, des études post-mortem ont mis en évidence une atrophie du nerf vestibulaire et la présence du virus de l’herpès simplex type 1 (HSV-1) dans le ganglion vestibulaire de certains patients . On évoque souvent un terrain infectieux (rhume, grippe) ayant précédé ou accompagné l’épisode vertigineux. D’autres hypothèses (micro-ischémie, mécanisme auto-immun) existent, mais sont moins étayées.

Phase aiguë : diagnostic et traitement


Lors de l’appel d’urgence ou de la consultation, l’objectif est de confirmer que le vertige provient d’une atteinte vestibulaire périphérique, en excluant un AVC cérébelleux. En effet, un vertige aigu invalidant sur plusieurs jours est évocateur de névrite vestibulaire, mais il faut impérativement éliminer une lésion centrale (accident vasculaire, tumeur) qui nécessiterait une prise en charge urgente . Le médecin réalise un examen neurologique (HINTS : Head impulse, nystagmus, test of skew) pour distinguer une atteinte périphérique d’une atteinte centrale. Si un doute persiste, une IRM cérébrale peut être demandée.


Examens complémentaires : Le test clinique Head Impulse test (HIT) peut être fait (ou sa version vidéo VHIT). Le test calorique à l’eau montre classiquement une  aréflexie nette du côté atteint. L’audition est normale des deux côtés.


Traitement en phase aiguë :

  • Anti-vertigineux et antiémétiques : On prescrit souvent du métoclopramide (Primperan) ou de l’ondansétron pour soulager nausées/vomissements, ainsi que des antihistaminiques ou benzodiazépines (ex. diazépam) en courte durée (1–3 jours) . Ces médicaments calment les symptômes initiaux, mais doivent être arrêtés rapidement pour ne pas retarder la compensation centrale .
  • Corticoïdes : Une courte cure de prednisone (1 mg/kg/jour pendant 7–10 jours) est fréquemment recommandée pour améliorer la récupération vestibulaire . Des études montrent que les patients traités précocement par corticoïdes ont une meilleure fonction vestibulaire à long terme.
  • Bétahistine : Ce médicament anti-vertige est souvent prescrit (par exemple 48 mg/jour) afin de faciliter le rééquilibrage de l’activité cérébrale vestibulaire. Des travaux (notamment après neurectomie vestibulaire) suggèrent qu’il peut réduire la durée de récupération d’environ un mois . En pratique, on commence la bétahistine dès que possible et on la maintient plusieurs semaines (4–8 semaines ou plus) si bien tolérée.
  • Arrêt des antiviraux : Les antiviraux (acyclovir, valacyclovir) n’ont pas démontré d’efficacité dans la névrite vestibulaire et ne sont pas recommandés .
  • Mobilisation précoce : Contrairement aux idées reçues, il ne faut pas rester totalement alité. Au contraire, la reprise précoce de la marche et des mouvements de la tête est encouragée pour stimuler la compensation centrale . Le patient est invité à bouger progressivement (se tourner, marcher, faire des activités simples) dès que les vertiges le permettent, sous surveillance.


Test vidéo-impulsion (VHIT) et diagnostic

Le VHIT (Video Head Impulse Test) est un examen rapide et indolore qui objective le réflexe vestibulo-oculaire (RVO) . Le patient porte une caméra vidéo-masque et fixe un point devant lui. Le praticien effectue brusquement de courtes rotations passives de la tête vers la droite ou la gauche. En condition normale, les yeux bougent à la même vitesse que la tête (gain du RVO ≈ 1). En cas de névrite vestibulaire, le gain devient inférieur à 0,8 du côté atteint, et on observe des saccades de rattrapage lorsque le regard revient sur la cible . Le VHIT peut tester les canaux horizontaux et verticaux. Il est simple, non invasif et indolore, et permet de confirmer rapidement une hypofonction vestibulaire unilatérale sans recourir obligatoirement au test calorique traditionnel . Un résultat anormal du VHIT d’un seul côté est une preuve d’atteinte périphérique unilatérale et appuie fortement le diagnostic de névrite vestibulaire.


Rééducation vestibulaire et compensation centrale


Après la phase aigüe, le principe fondamental est la compensation centrale : le cerveau apprend à rééquilibrer l’information des deux oreilles pour rétablir l’équilibre et la stabilisation du regard. Le rôle du kinésithérapeute vestibulaire est ici crucial. La prise en charge débute idéalement quelques jours après l’épisode aigu, dès que les traitements médicamenteux lourds ont été interrompus . Le kiné enseigne des exercices oculaires, céphaliques et posturaux destinés à stimuler cette compensation . Par exemple, le patient effectue des mouvements répétitifs de la tête en fixant une cible (pour améliorer le gain du RVO), ainsi que des exercices d’équilibre en statique et en dynamique. Une étude contrôlée a montré que les patients ayant reçu une rééducation vestibulaire précoce récupèrent leur équilibre significativement plus vite que ceux pris en charge classiquement . Chez la personne âgée ou celle présentant d’autres troubles (visuels, neurologiques), la compensation peut être plus lente, d’où l’intérêt d’un suivi régulier par le kiné.

  • Le kinésithérapeute vestibulaire adapte les exercices au niveau du patient, prolonge progressivement la difficulté et guide la reprogrammation centrale.
  • Il valorise la mobilisation active (marcher sur des sols variés, bouger la tête en marchant) afin de remobiliser rapidement les voies vestibulaires .
  • Le suivi personnalisé et la motivation du patient (expliquer le mécanisme de compensation) sont essentiels pour une bonne adhésion au traitement. Un kiné formé à la rééducation vestibulaire peut ainsi accélérer la guérison.


Techniques de rééducation utilisées

  • Fauteuil rotatoire haute vitesse (technique de Sémont) : outil majeur en rééducation vestibulaire. Le patient est assis et tourné rapidement (≥ 300°/s) d’un côté, ce qui provoque une forte stimulation du système vestibulaire. Cette stimulation extrême (effet « déclencheur ») force la compensation centrale et permet de « resynchroniser » les réponses vestibulo-oculaires . Le résultat attendu est la stabilisation du regard (suppression du nystagmus spontané) et la disparition des oscillopsies. Ce travail doit être supervisé par un thérapeute expérimenté.
  • Exercices d’acuité visuelle dynamique : le patient lit des lettres (optotypes) sur un écran ou un tableau d’acuité visuelle pendant que la tête est agitée à haute fréquence (≥ 2 Hz, ou >120°/s) . Cet exercice teste et améliore la stabilisation du regard en mouvement. En progressant sur la vitesse des mouvements céphaliques, on cherche à maintenir une bonne acuité visuelle dynamique, témoin du gain vestibulo-oculaire.
  • Habituation : expositions répétées aux mouvements provoquant le vertige (par exemple, se pencher rapidement en avant et revenir en arrière. Par la répétition, l’intensité du vertige et du nystagmus diminue progressivement (adaptation centrale) . Ces exercices sont débutés avec peu d’amplitude et intensités faibles, puis augmentent progressivement.
  • Exercices de coordination et d’équilibre : stabiliser le regard fixe tout en bougeant la tête (gaze stabilization exercises), station sur une jambe, marche en portant le regard loin devant, marche avec changement de direction ou tête mobile, exercices sur plan instable, etc. L’objectif est d’améliorer la proprioception et la marche, renforçant la réorganisation sensori-motrice de l’équilibre .

Chacune de ces techniques fait partie d’un programme global de rééducation vestibulaire . Le choix et la progression des exercices dépendent de la tolérance du patient (présence ou non de nausées lors des gestes) et de l’évolution clinique. Le suivi par un kiné spécialisé permet d’ajuster en continu la prise en charge.


Conclusion et perspectives de récupération


Le pronostic de la névrite vestibulaire est généralement favorable . Dans la plupart des cas, les symptômes aigus s’amendent en quelques semaines grâce à la compensation centrale. La rééducation vestibulaire accélère ce processus : elle diminue sensiblement la durée de récupération en rétablissant plus rapidement le réflexe vestibulo-oculaire bilatéral . La majorité des patients retrouve un bon équilibre dans les 1–3 mois qui suivent l’épisode, et un rétablissement quasi complet est fréquent. Un kinésithérapeute vestibulaire joue un rôle clé dans cette amélioration, en guidant le patient à travers des exercices adaptés et en l’encourageant. Au final, même si la récupération demande de la patience (quelques mois dans certains cas), les perspectives sont claires : avec une prise en charge appropriée et une rééducation active, la rééducation est presque toujours un succès, et l’équilibre et la stabilité visuelle finissent par être rétablis.


Loïc Taureau, kinésithérapeute vestibulaire – Saint-Prest / Chartres


Sources

  • Reinhard et al.Revue Médicale Suisse (2013) – « Névrite vestibulaire : traitement et pronostic » .
  • Société Française d’ORL et de Chirurgie Cervico-faciale (SFORL) – Recommandations pour la prise en charge des vertiges aigus (téléconsultation, 2021) .
  • Société Française d’ORL (SFORL) – Recommandation « Place de la rééducation dans la prise en charge des vertiges d’origine vestibulaire » (2023) .
  • Barany Society – Critères diagnostiques de l’« Acute Unilateral Vestibulopathy/Vestibular Neuritis » (ICVD, 2022) .



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